10 juillet 2008

Le reste



Un grand frisson me parcourt : et si tout restait à dire ? Et si tout restait libre, libre d’être dit et de prendre sa place sienne, comme une flaque de peinture onduleuse qui s’étalerait dans ses aléas, dans la pente de ses bras et rigoles et irait sans entrave là où elle s’exprimerait enfin. Là où son exposition révèlerait enfin tout. Tout de la couleur superposée, tout des notes jouées, tout du vent qui saurait l’immuable, tout du parfum qui serait le corps, tout. Et pourtant un tout qui ne s’habillerait pas de complétude. Mais un tout qui laisserait le chant à tout le reste, mais un tout qui repousserait les limites de la floraison, mais un tout qui fait fi des temporalités. Tant de place, tant à prendre. Et un tout qui, comme deux figurines formant la lune pleine, en sa vague brune, en sa vague claire, tourne tourne encore sur son axe et inonde l’alentour de sa fulgurance d’or.


Un grand frisson me parcourt : car je sais, je sais que le tout est ce qui n’est pas encore et qui va être. Car je sais, je sais que ma parole saura laisser place au geste, et l’arbre, et les vagues les remous, et la traversée des airs, je sais désormais que ce que mes mots ne disent pas ou pas encore a déjà son reflet ; non pas l’écho du miroir mais un volume de pierre, un volume dont les détours se feront changeants selon la rumeur des ombres et des astres, un volume de terre travaillé par les mains et qui exprimera l’interruption du son, du bémol pressenti, préséance et contrefort d’une profondeur de champ cousant d’émeraude la mer étale et le silence.


Un grand frisson me parcourt : dans ce qui palpite, là, à l’intérieur, tout contre dans moi, ce qui palpite en débords de mon cœur, ce qui n’est pas encore, ce qui n’est pas encore des mots mais au bord de l’être, au bord de l’être Mot, au bord de l’encre, quelle résonance exhausse-t-il ? d’où vibre-t-il ? qu’a-t-il complété ?




4 juillet, Paris