15 juillet 2008

Les actes des instances


ACTE I


- C’est de moi que tout vient, dit le mot
- C’est moi qui fait tout, dit la phrase, les mots font ce qu’ils veulent, c’est moi qui les assemble, qui les aménage, qui les combine
- C’est moi qui décide, dit l’auteur, la phrase peut bien se draper dans toute sa dignité et dégorger, tel l’escargot, tous les mots qui lui plairont, je tiens le stylo et je couche me pensée comme elle vient
- Oui, mais si la pensée ne vient pas, dit la pensée – en aparté
- L’auteur est un âne, dit le mot, et si le bûcheron des mots a tout coupé les mots dans le désert de sa tête sèche ?
- Il suffit d’arroser, dit l’arrosoir
- Le mot est un âne, dit le sens
- l’arrosoir est un âne, dit le sens, si je ne viens pas donner ma vision rien ne se passe, les mots sont d’abord un non sens, ils pendent comme des cintres nus sur leur tige dans l’ombre derrière la porte du placard.




ACTE II

- C’est de moi que tout vient, dit l’escargot
- C’est moi qui fait tout, dit la dignité, l’escargot combine ce qu’il veut, c’est moi qui les couche, les drape et les arrose
- C’est moi qui décide, dit le bûcheron, la dignité peut bien pendre dans le désert et tout couper dans le placard, je dégorge mon ombre comme je veux
- Oui, mais si l’ombre n’est pas là, dit l’ombre – en aparté
- Il suffit de voir dit la vision
- Le bûcheron est un cintre, dit l’âne, si je n’assemble pas ma tige rien ne se couche, le bûcheron est un non sens, il combine comme une tête nue sur sa porte derrière son arrosoir.




ACTE III

- C’est moi qui ai tout coupé, dit l’escargot
- C’est moi qui arrose, dit la dignité
- C’est moi qui dégorge, dit le bûcheron
- Et l’ombre est partie arroser l’arrosoir et ranger l’âne dans le placard
- Le bûcheron est bien un cintre, je confirme, il s’est couché tout habillé, et sans sa dignité, dit le drap
- Et mon mot à dire, dit le sens : on a oublié la tige et l’ombre qui attendent derrière le désert, nus sur leur page comme un auteur derrière la porte des mots.




Mars 2008, Paris