22 décembre 2006

Jour de soleil

Hôpital du Steinhof, ou plutôt Hôpital Otto Wagner, ou encore Hôpital du Wilhelminenberg, tout à l’ouest, aux confins du quatorzième arrondissement de Vienne, Mitteleuropa. C’est une ville. C’est deux villes. Il y a le sanatorium, et ensuite il y a l’hôpital psychiatrique, sur la route, à rebours.
C’est deux villes. C’est une ville. Qui ne communique pas. Il y a le grillage. Et un monde.

Hôpital du Steinhof, jour de novembre de soleil. Jour de soleil de novembre dans les allées du parc. Les allées s’entrelacent amplement, formant vertes étendues d’herbe et masses de bâtiments clos, qui s’imposent.

Mémoire en quête de densité. Les allées ensoleillées du parc de novembre sont peuplées de pas qui s’éloignent. Les blouses blanches contournent, des véhicules discrets descendent les pentes de goudron. Et encore d’autres pas. Qui ne sont pas d’ici.

Les poteaux indicateurs pointent divers bâtiments. Il y a le Pavillon Ludwig, il y a le Pavillon Leopold, il y a le Pavillon Hermann. Des pavillons et des prénoms masculins. La mémoire pullule aux allées désertées.

Au centre d’un ovale d’herbe dense, plus léger qu’une plume, étincelle de roux, un écureuil jaillit. Il était là avant. Il est l’évidence au cœur de l’espace qu’il envahit. En un éclair il grimpe à la verticale de l’arbre et disparaît dans les ramures.

Tant de pavillons et tous à l’identique : de gros blocs à l’assise rectangulaire, austères mais garnis sur leurs façades de belles grilles en fer forgé ouvragé peint de vert d’eau.

Autant d’affections, autant de pavillons.
Le parc est dédale. Il fait soleil au sanatorium.


Au détour, là, l’air se blottit, presque. Ce presque m’envahit.



décembre 2006, Paris.

4 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Il y a, dans la couleur permanente de cet animal, quelque chose de l’ordre d’un instant passé qui rattrape le présent, rappelant au visiteur qu’il subsiste l’histoire d’un autre qui, avant lui, évoluât sur ce chemin de gravier, observant les fenêtres des bâtiments et ces véhicules qui ne cessèrent d’aller et venir. Et on retrouve dans ce décor sensible la solitude ressentie par celui que le passant tente de retrouver au coin des allées hantées de ce parc où les époques se confondent. La mémoire, comme les mots, restent gravés dans l'esprit des vivants...

2:58 PM  
Blogger Pierre said...

Plus encore, c'est une cristallisation, une concrétion de mémoire qui prend réalité dans l'espace, traversant la pierre de la tombe et du temps.
Oui, la tentative dangereuse de sympathie à rebrousse-pas.
Oui, la couleur de l'écureuil, oui sa permanence, sa rémanence même, mais le vif aussi.

11:10 PM  
Anonymous Anonyme said...

ce qui m'accroche dans ce texte, ce sont les paragraphes 'mémoire' et les deux derniers. les fragments plus descriptifs... j'en fait un rejet, probablement du à mon histoire personnelle plus qu'à ton texte. dans les 3 paragraphes, il y a pour moi de l'abstrait au sens du sujet des "3 abstraits"

2:04 PM  
Blogger Pierre said...

Ce texte joue comme un point d'ancrage.
S'il a voulu décrire une sidération, dans sa nécessité, il est devenu un nouveau point de commencement, dans ce que son matériau confirme mon besoin de créer un nouveau sens aux mots, par leur placement et dans ce que leur évocation dilate.
Le réel doit pour autant se maintenir, car c'est de lui que part l'indispensable point d'échappement.
Pour filer l'abstrait : ce serait comment les assises abstraites feraient exulter ce que le concret ne sait pas encore de lui-même ! Cela m'est de plus en plus fondamental.

5:53 PM  

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