09 janvier 2006

Je vis

Je vis s’épancher mon reflet dans le miroir de tes yeux
Je vis la lune fauve aux cratères éblouis
Je vis le rayon de soleil de la roue du vélo de ta jupe de tes jambes de ton soleil de ton ombre de ta nue
Je vis l’explosion de l’étoile de mer en étoile de ciel en étoile de pierre accouchant de gouffres de falaises de montagne
Je vis la brume à travers laquelle nul ne voit, mais où les crânes explosent, les sables avalent, les gorges se déchirent
Je vis ma main sur la page impuissante

Je vis la fontaine emplie de tes larmes, le ruissellement de tes seins de pierre, ton coeur disloqué

Je vis cette perspective de tombes grises, une succession longue de tombeaux, de fumeroles et d’encens, un vent de cendres dans les arbres implorants, dans les arbres aux feuilles nues

Je vis une flaque d’eau scintillante dans laquelle je gisais noyé
Je vis un bleu profond un bleu de ciel bleu de mer bleu du silence
Je vis ces nuages de coton noués les uns aux autres et s’ébrouant dans un concert silencieux
Je vis un triangle de mouettes en vol
Je vis le lever du soleil en Espagne, peinant à étreindre l’horizon, la mer lisse, la lanterne d’un bateau de pêche, les coquillages s’échouant au rivage
Je vis le silence des profondeurs violettes et le conciliabule
Je vis la voix flûtée de l’enfant au jardin, le vert tendre d’un printemps tout neuf, l’oiseau ébouriffé
Je vis la musique sur ton front dénoué, ton sourire enfin, et la page du livre ouvert, et le marque-page, et ton bon vouloir me suivre dans la clarté.



janvier 2006, Paris