06 février 2007

Enfin

Avant que le verbe
Avant que les zéros ne germent
Avant la réalité des corps
Avant la chimie des sens qui n’ont pas l’idée même du plaisir
Deux corps prenons deux corps
Et ces deux corps se mélangent, se pénètrent, se transpercent, s’échangent, mélangent bulles de salives et sécrétions animales, se poignardent, s’inondent, s’enfouissent, s’envahissent sans jamais se connaître, sans jamais sentir l’autre, sans jamais se sentir à deux et réunis pour un firmament proche, au bord de la mort inouïe, déchaînés dans cette autre tempête, échoués au rivage à peine de ce bord de lèvre, en succions aveugles et dévorant jusqu’à l’os initial, jamais la déclinaison, seulement la réitération millimétrée de la copulation univoque sur ce lit de givre, ce lit aux certitudes sans interstices.

Non, non, ainsi, Non,
Tu ne sauras mon odeur
Tu ne sauras mon corps
Tu ne sauras ma durée
Tu ne sauras ma symétrie
Tu ne sauras mon écho

Alors qu’il faudrait tant, mais si peu, pour parvenir à soulever la trappe du bout des ongles rongés, pour qu’à première haleine s’entr’ouvre l’étable où les herbes fermentent, à main toute proche du mot dont on pourrait caresser le filigrane pour en deviner les dimensions toutes, contenues au plus fin du minime,
tandis que les eaux se dénoueront au chevet des corps et des lettres, la peau, quartier d’orange, vin et cannelle,
tandis que les eaux se délasseront jusqu’à la lumière, jusqu’aux étincelles, jusqu’à l’éclat du fruit infime,
pour deviner enfin que là n’est sans doute que le frémissement, l’imminence oui, l’Imminence d’un monde où le sens prendra corps et joie et volume et saura se dire et se dilater et se décliner, et, et, et, et, et, à l’infini. Jusqu’à rendre folie, peut-être.
Tant mieux.



janvier 2006, Paris