30 janvier 2010

Sans toi

Tes pieds sur le sol froid. Ce sol froid sous tes pieds, le sol déchaussé, tes

pieds déchaussés, nus, qui marchent en rond sur ce sol froid, ces pieds

froids sur le sol nu, le sol déchaussé, absent, anesthésié dans la pièce

nue.

Tu ne sais pas arrêter, tu ne peux canaliser ton pas, la plante de tes pieds à

vif, l’empreinte dans le sol nudifié, tes chaussures délaissées rejetées. Tu

te sens nue, tu te sens de verre, tu te sens transparente dans la pièce vide si

claire si blanche si lumineuse et si froide, ton corps de cristal, ton corps

crispé lisse et froid et raide, tes jambes de verre, ton ventre de verre, tes bras

de verre, tes mains tes doigts tes ongles de verre froid lisse et nu, dans le

geste blanc.

Ton corps de verre frissonne, tu ne parviens pas à te réchauffer, malgré le

mouvement continu, malgré les nœuds des bras des pieds et jambes, malgré

l’étoffe, malgré les habits la toile la laine dont tu t’es couverte. Tu es en

abandon, le froid blanc te transporte, tu sens la craie qui crisse sous tes

parois effeuillées, tu cries le silence, tes doigts dans ta tête glacée, tes

dents entrechoquées, ton souffle crissant contre ces miettes.

Tu voudras jeter te jeter tout jeter contre la paroi translucide du monde des

murs du plafond du plancher où tout te voit, où tout te sait.

Tu voudrais retrouver la limite, l’opaque, la résistance, le bois et le chaud, tu voudrais l’incertitude, retrouver le battement de ce cœur, le prendre et l’embrasser, traverser le feu, souffrir de l’écharde dans ton talon, souffrir de pouvoir aimer.




paris, le 17 janvier 2010